Le 30 mai 1574, le roi de France Charles IX meurt de la tuberculose peu avant ses vingt-quatre ans. Il n’a pas de fils. Son frère cadet monte sur le trône sous le nom d’Henri III. Ce dernier hérite d’un royaume déchiré par les guerres que se livrent catholiques et protestants. Il s’entoure d’amis issus de la petite noblesse, ses « mignons » qu’il couvre de cadeaux sans entendre la colère grandissante de ses sujets qui sont las de la misère et des violences. En 1575, il épouse Louise de Lorraine Vaudémont, mais leur mariage reste stérile. Lorsque son dernier frère meurt en 1584, la question de la succession se pose. Le roi n’ayant pas de fils et plus de frère, à qui reviendra la couronne à sa mort ? Le membre de la famille le plus proche n’est autre qu’un lointain cousin, Henri de Navarre. Mais Navarre est protestant. Les Catholiques, le duc de Guise en tête, ne veulent pas de lui. Un bras de fer s’engage alors. En mai 1588, Henri de Guise fait son grand retour à Paris, bravant le roi qui lui a interdit de remettre les pieds dans la capitale. Le peuple de Paris, exalté par la présence de celui qu’il considère comme son héros, se soulève. Le roi, craignant pour sa vie, doit fuir Paris. Il se réfugie à Blois où sont convoqués les États Généraux pour tenter de solutionner la crise. Henri de Guise, nommé lieutenant général du royaume, est naturellement de la partie…

« Monsieur, réveillez-vous. Le roi vous fait mander, il souhaite partir à l’aube et veut vous voir avant son départ. »
Blotti contre le corps chaud de sa maîtresse, Henri de Guise émit un grognement agacé.
« Quelle heure est-il ? »
« Six heures, monsieur le duc. »
Guise se força à ouvrir les paupières. La chandelle que tenait son secrétaire lui fit plisser les yeux. Il n’avait pas dormi plus de trois heures, tout occupé qu’il était à satisfaire sa maîtresse, la plantureuse Charlotte de Sauve. Dehors, il faisait encore nuit noire. La pluie tambourinait contre la fenêtre de la chambre, formant de fins ruisseaux qui descendaient le long de la vitre. Dans la cheminée, les dernières braises étaient en train de s’éteindre et un froid humide s’insinuait jusque sous les draps. Guise s’assit quelques instants sur le bord du lit en tentant de remettre de l’ordre dans ses pensées. Allongée sous la courtepointe de velours, entièrement nue, Charlotte de Sauves s’étira avec langueur.
« Restez encore un peu, mon ami, » lui dit-elle d’une voix enrouée par le sommeil.
« Ma foi, madame, n’en avez-vous point eu assez cette nuit ? »
La jeune femme se redressa, dévoilant sa poitrine généreuse avec impudeur. Gêné, le secrétaire détourna le regard. Si l’affaire n’avait pas été d’importance, Guise serait volontiers resté jouer avec ces mamelons fermes et rebondis qui n’attendaient que lui.

« N’y allez pas, je vous en conjure. Je pressens que quelque chose de terrible est sur le point d’arriver. »
Le duc, désormais totalement réveillé, éclata d’un rire jovial.
« Allons, ma mie, vous avez passé bien trop de temps auprès de la reine-mère. Vous prendriez-vous pour l’un de ses prophètes ? »
Mais Charlotte n’était pas d’humeur à rire. Elle agrippa la chemise de son amant.
« Le roi est fâché contre vous. Il veut se débarrasser de vous, vous le savez. »
Guise balaya ses soupçons d’un geste de la main.
« Il n’osera. Le bougre sait qu’il n’a d’autre choix que de céder à mes demandes s’il ne veut pas perdre sa couronne. »

Les mots sitôt prononcés, Henri de Guise se sentit pris d’un étrange malaise. Les craintes de sa maîtresse sonnèrent comme un écho à une mise en garde qu’on lui avait adressée la veille au soir. Alors qu’il soupait, il avait découvert, caché dans sa serviette, un mot anonyme l’intimant de fuir Blois s’il tenait à la vie. Il avait jeté le bout de papier dans la cheminée sans plus de cérémonie. La suggestion lui avait parue si grotesque. Lui, Henri de Guise, fuir comme un rat alors que le roi était sur le point de lui offrir la charge de connétable, une charge qu’il désirait depuis tant d’années ? Fuir alors qu’il était l’un des hommes les plus importants du royaume, peut-être même plus important que le roi lui-même ? Henri III n’oserait jamais le confronter, alors l’assassiner… Depuis que ce dernier avait dû fuir Paris quelques mois plus tôt, il n’était plus roi que de nom. Avec le soutien du peuple qui l’avait accueilli sous les cris de « Vive le roi de Paris ! » Guise s’était rendu maître de la capitale. Et qui tenait Paris tenait la France. D’ici quelques heures, il serait fait connétable et aurait la charge des armées. Et bientôt, oui, bientôt, Henri III le désignerait comme son successeur… Le roi était acculé. Ce pauvre bougre incapable de donner un fils à la couronne n’avait pour héritier qu’un cousin lointain, un rustaud hérétique dont personne ne voulait sur le trône de France. Celui que tous espéraient, c’était lui, Henri de Guise, défenseur de la vraie religion catholique, arrière-petit-fils de Louis XII, descendant de Charlemagne. Alors non, il n’allait certainement pas fuir la queue entre les jambes.
Ignorant les supplications de sa maitresse, Guise se leva et enfila à la hâte le pourpoint de satin gris perle que lui tendait son secrétaire. Silencieuse, Charlotte l’observait avec une admiration non dénuée de peur. Henri de Guise avait toujours été ambitieux, mais elle craignait que cette-fois, il ne soit allé trop loin. Il était trop sûr de lui, trop fier. Trop optimiste aussi. Son arrogance et sa naïveté finiraient par causer sa perte.
En quelques minutes, il fut prêt. Son allure altière, la somptuosité de ses vêtements, son regard froid et orgueilleux, tout en lui trahissait déjà le roi qu’il espérait devenir. Il s’approcha du lit et se pencha vers sa maitresse. Celle-ci grelottait. De froid ou de peur ?
« Cessez de vous tourmenter, ma mie, et reposez-vous. Je serai de retour avant que vous n’ayez eu le temps de déplorer mon absence. »
Il déposa un rapide baiser sur ses lèvres et sortit, talonné par son fidèle secrétaire. Restée seule dans l’obscurité de la chambre, Charlotte de Sauves laissa couler ses larmes.

Alors qu’il pénétrait dans la cour du château de Blois, Henri de Guise se laissa de nouveau aller à ses rêves de grandeur. Lorsqu’il serait roi, il ornerait cette cour d’une statue équestre en mémoire de son père, l’homme qui avait su reprendre Calais à ces chiens d’Anglais après deux-cents ans d’occupation. Il ferait également refaire les appartements de la reine-mère pour les donner à sa mère. Elle avait toujours aimé la vue qu’il y avait sur le parc. Il faudrait qu’il pense également à faire restaurer la façade de l’oratoire qui accusait les signes de l’âge. Tout à ses rêveries, il ne prêta pas attention aux gardes qui le suivaient du regard, transis par le froid glacial de ce mois de décembre. Les flammes des flambeaux projetaient leurs ombres vacillantes le long des murs, leur donnant l’allure de géants grelottants. Depuis la Loire, le vent glacial charriait une écœurante odeur de vase qui se mêlait à celle de la fumée émanant des nombreuses cheminées du palais. Seuls les pas de Guise brisaient le silence nocturne, résonnant sur les pavés inégaux de la cour à l’unisson avec son propre cœur. Quiconque aurait vu ce géant en cet instant aurait pu croire qu’il était déjà le maître des lieux tant sa démarche semblait assurée et son allure altière. Les gouttes de pluies lui fouettaient la peau et engourdissaient son visage. Il hâta le pas, pressé de se mettre au sec. Derrière lui, son secrétaire devait courir pour le suivre. En quelques enjambées, Guise atteignit le monumental escalier bâti par le grand François Ier. Un garde l’attendait en bas. Son uniforme élimé dégoulinait d’eau. Visiblement, il était là depuis un moment.

-Monseigneur, pardonnez mon outrecuidance, mais vous avez l’oreille du roi et…
L’homme s’arrêta, embarrassé.
-Eh bien ? l’encouragea Guise en affichant ce fameux sourire avenant qui lui avait permis de gagner les cœurs des Parisiens.
-C’est que les hommes et moi-même n’avons pas touché notre solde depuis des mois. Nous avons des familles à nourrir, monseigneur.
Avec une bienveillance dont l’homme était peu coutumier de la part des Grands du royaume, le duc posa une main sur son épaule.
-J’intercéderai en votre faveur, mon brave.
-Merci, monseigneur, Dieu vous bénisse !
Tandis qu’il s’éloignait, Guise ne put s’empêcher d’esquisser un sourire victorieux. Décidément, le roi était encore plus sot qu’il n’aurait pu l’espérer. En méprisant jusqu’à sa garde, il se créait des ennemis de tous côtés. Tout ce que Guise avait eu à faire, c’était s’attirer la sympathie des hommes qu’Henri III déconsidérait. Comme c’était facile !
Plusieurs gardes, hallebarde en main, se tenaient sur les marches. Sûr de sa victoire prochaine, Guise se mit à siffloter quand il sentit l’un des gardes glisser subrepticement quelque chose dans sa main. Un morceau de papier. Guise le déplia. Un seul mot avait été griffonné dessus à la hâte : « fuyez ». Décidément, tous semblaient vouloir le voir prendre la poudre d’escampette. Il glissa le papier dans son pourpoint et n’y pensa plus.

Dans la grande salle du conseil, tout le monde était déjà là. Assis autour d’une table dressée sur des tréteaux, ils avaient les traits tirés. Cela faisait plusieurs semaines qu’ils essayaient de résoudre la crise que traversait le royaume, mais les discussions n’aboutissaient à rien. Guise les salua. La plupart des hommes présents lui étaient acquis. Ses partisans l’accueillirent avec chaleur, les autres se contentèrent d’un bref signe de tête. François d’O fidèle du roi, ne daigna même pas lever la tête. Eut-il été plus perspicace, Guise aurait sans doute perçu les gouttes de sueur qui coulaient le long de ses tempes en dépit du froid. O était nerveux. Mais Guise ne daigna même pas lui accorder un regard. Il jeta son manteau sur une cathèdre près du mur et alla se réchauffer devant la cheminée. Son frère, le cardinal de Lorraine, s’approcha. Il avait fière allure, le frère du futur roi, dans sa soutane grenat, avec son énorme croix en or et ses bagues serties de pierres précieuses.

« – Vous avez une mine affreuse, mon frère.
– J’ai peu dormi. Où est le roi ?
– Il n’est pas encore arrivé.
Guise en profita pour fouiller dans son pourpoint et en sortit le morceau de papier que le garde lui avait glissé. Discrètement, le cardinal s’en empara et le déplia.
-Encore un avertissement ?
Henri de Guise, affichant son sempiternel air bravache, lui arracha le pli et le jeta aux flammes.
-Si ces scélérats pensent pouvoir m’effrayer, c’est bien mal me connaître !
-Tout de même mon frère, ne serait-il pas plus prudent de…
Guise le coupa.
– Mon frère, je suis outré que vous osiez ne serait-ce que suggérer cela. Je suis le duc Henri de Guise, et parbleu, je ne suis point un couard qui fuit comme une pucelle à la première menace ! »
Exaspéré, il tapa du point sur le manteau de la cheminée. Derrière lui, les conversations se turent. Tous tournèrent la tête vers le duc avec curiosité. Le cardinal leur adressa un sourire que démentait son regard menaçant, un regard qui leur signifiait de se mêler de leurs affaires.

Les membres du conseil avaient l’habitude des éclats de Guise, aussi reprirent-ils leurs discussions comme si de rien n’était. Le cardinal ne partageait pas l’attitude désinvolte de son frère. Il l’observa en silence, inquiet. Les flammes qui dansaient dans la cheminée faisaient ressortir la balafre sur la joue du duc. Son visage était pâle et émacié, et des cernes entouraient ses yeux d’ordinaire alertes. C’est alors que le cardinal remarqua le sang au-dessus de sa lèvre supérieure. Le duc saignait du nez chaque fois qu’il était nerveux ou en colère.
« – Mon frère, vous saignez du nez.
Guise porta la main à ses narines puis regarda ses doigts. Ils étaient couverts de sang. Était-ce là un funeste présage ? Il prit un mouchoir pour essuyer le liquide poisseux.
« Avez-vous eu le temps de vous sustenter avant de venir ? lui demanda le cardinal.
Guise secoua la tête et son frère claqua des doigts. Aussitôt, un valet s’approcha.
« Allez-donc chercher quelque chose à manger. »
Le valet sortit à la hâte et revint quelques secondes plus tard, portant un drageoir contenant des prunes séchées.
Guise eut à peine le temps d’en croquer une que le secrétaire d’État entra dans la salle. Il s’avança vers lui, tenant ses mains croisées dans son dos pour dissimuler ses tremblements nerveux.
« Monseigneur, le roi vous attend dans son cabinet vieux. »
Guise acquiesça. Tenant toujours dans sa main le drageoir, il suivit le secrétaire. Le cardinal lui attrapa le poignet, et les deux frères échangèrent un long regard.
« Gardez la main sur la poignée de votre épée, mon frère, » lui murmura le cardinal. « Ce roi-là est un perfide capable du pire. »
Le duc le rassura en lui tapotant la main avant de sortir.
Les couloirs du château étaient plongés dans un lourd silence. Henri de Guise prit une deuxième prune. La saveur sucrée du fruit lui redonna quelques forces. Il emprunta un étroit passage et traversa la chambre du roi plongée dans la pénombre. Quelques membres de la garde rapproché d’Henri III qu’on appelait les Quarante-Cinq se tenaient près des fenêtres, invisibles et pourtant bien présents. Ils suivirent le duc du regard, aussi immobiles que des statues. Henri de Guise n’y prêta pas attention, il savait que le souverain, qui craignait pour sa vie, était en permanence entouré de ces coupe-jarrets.

De l’autre côté de la chambre, une tapisserie séparait la pièce du cabinet vieux. Alors qu’il s’apprêtait à entrer, il hésita, se rappelant les nombreuses mises en garde qu’il avait reçues. Il haussa les épaules et souleva la tapisserie. À peine fut-elle retombée qu’il se retrouva nez à nez avec une poignée d’hommes aux visages patibulaires armés jusqu’aux dents. Alors, il comprit. Il allait mourir. Un coup de poignard l’atteignit dans les côtes et il lâcha le drageoir qui tomba sur le carrelage dans un bruit assourdissant. Les prunes roulèrent sur le sol. Guise poussa un cri rauque.
« Traîtrise ! »
Toute résistance était vaine, le duc était seul face à dix adversaires. Mais l’instinct de survie prit le pas sur tout le reste. Guise voulut prendre son épée. L’un des gardes l’en empêcha in extremis en enroulant son bras dans sa cape. Il se débattit, envoyant ses poings dans les visages de ses adversaires. Il réussit à casser au moins un nez. Un second coup de couteau dans le bras, puis un troisième, un quatrième. Guise sentit quelque chose de chaud et humide l’envelopper : c’était son sang. Il recula dans la chambre, vacillant, tentant dans un ultime sursaut de fuir. Attrapant un tabouret, il le jeta de toutes ses forces sur ses assaillants. Mais c’était sans espoir. Alors que sa vue se brouillait, il s’accrocha au rideau du lit à baldaquin.

« Miséricorde, mon Dieu, je me meurs ! Ayez pitié de moi ! » s’écria-t-il.
Déjà, son teint devenait grisâtre. L’un des hommes le poignarda dans la gorge, provoquant un écœurant bruit de gargouillis. Guise bougea les lèvres mais aucun son ne sortit. Puis il s’effondra, inerte. Au bruit de lutte succéda un étrange silence. Les assassins, comme pétrifiés, admiraient leur œuvre. Il y avait du sang partout, sur les tentures, le couvre-lit, le mur, leurs vêtements.

Du coin de l’œil, ils perçurent un mouvement derrière un rideau. C’était le roi. Il avait tenu à assister à l’exécution de son pire ennemi. Henri III s’approcha. Il avait le visage aussi livide que le cadavre étendu à ses pieds. Comme pour s’assurer que le mort était bel et bien mort, il lui donna un violent coup de talon. Aucun mouvement. Henri de Guise n’était plus.
« Qu’il est grand, s’exclama le roi d’une voix pensive. Il est encore plus grand mort que vivant. »
« Que voulez-vous faire du corps, Sire ? »
« Découpez-le et jetez-le dans la Loire. Je refuse que les catholiques fassent de sa dépouille des reliques. Ce n’est point là un martyr que vous avez occis, messieurs, mais un dissident qui menaçait l’ordre du royaume. »
Le chef des gardes essuya son poignard tâché de sang sur sa manche.
« Et son frère, le cardinal ? »
Henri n’hésita pas.
« Il doit mourir. Faites le nécessaire. »
Les Quarante-Cinq, ces hommes brutaux capables de tuer de sang-froid, échangèrent des regards hésitants. Leur chef décida de prendre la parole en leur nom.
« C’est un homme d’Église, Sire. »
Le roi haussa les sourcils.
« Et ? »
« Personne ici n’osera tuer un cardinal. »
Le roi leva les yeux au ciel mais n’insista pas. Il finirait bien par trouver des hommes à qui il offrirait suffisamment d’argent pour faire taire leurs scrupules.

Fort de sa victoire, Henri III se précipita dans les appartements de sa mère pour lui annoncer la nouvelle. À bientôt soixante-dix ans, Catherine de Médicis était épuisée par une vie faite d’intrigues politiques. Elle sentait ses dernières forces la quitter lentement. Elle avait dû supporter la douleur d’enterrer plusieurs de ses enfants, mais elle savait qu’elle ne verrait pas la dynastie des Valois s’éteindre. Elle serait partie bien avant.
Quand il vit sa mère alitée, la joie d’Henri III se ternit. Cette femme forte qui avait su tenir tête aux plus grands hommes du royaume n’avait rien à voir avec la vieillarde aux traits tassés qui lui faisait face. Il s’approcha néanmoins d’elle et déposa un baiser sur son front moite.
« Ma mère. »
« Que s’est-il passé ? Qu’avez-vous fait mon fils ? » demanda cette dernière d’une voix étonnamment puissante. Cela faisait des années qu’elle était en France, mais elle n’avait jamais perdu cet accent chantant qui trahissait ses origines florentines. Elle dévisageait son fils avec crainte, ayant entendu le remue-ménage.
« Ma mère, Guise n’est plus. Me voilà enfin roi. »
En entendant la nouvelle, Catherine de Médicis laissa échapper un gémissement. Elle s’affaissa sur ses oreillers.
« C’est bien coupé, mon fils, maintenant il vous faut recoudre. »
Henri se sentit contraint de se justifier.
« Il ne m’a point laissé le choix. Il aurait fini par prendre mon royaume. »
« Dieu veuille que cette mort ne vous rende pas roi de rien… »

Le lendemain, 24 décembre 1588, le cardinal de Guise est à son tour assassiné. Pour avoir fait tuer un prince de l’Église, le pape Sixte Quint ordonne à Henri III de faire amende honorable sous peine d’excommunication.
Le 5 janvier 1589, moins de deux semaines après l’assassinat de Guise, Catherine de Médicis rend son dernier souffle. Henri III se rapproche alors de son cousin, Henri de Navarre.
Chez les catholiques, l’annonce de la mort des Guises est un véritable coup de tonnerre. Les pamphlets contre le roi de France se multiplient, et il est plus haï que jamais.
Le 1er août 1589, Henri III, qui n’a toujours pas réussi à récupérer Paris aux mains des catholiques, séjourne à Saint-Cloud. Il reçoit un moine du nom de Jacques Clément, venu le voir pour lui apporter des nouvelles de la capitale. Henri III l’accueille sans se méfier. Lorsque le moine sort une dague cachée dans sa manche et le poignarde, il est aussitôt neutralisé par les Quarante-Cinq. Mais c’est déjà trop tard.
Henri III fait appeler son cousin, Henri de Navarre. Avant d’expirer, il l’exhorte à se convertir au catholicisme et le nomme comme son successeur.
Henri IV devient roi de France le 2 août 1589, mais la route est longue avant de voir son autorité reconnue. Comprenant qu’il ne serait jamais accepté comme roi tant qu’il serait protestant, Henri IV abjure le protestantisme le 25 juillet 1593. Il est sacré l’année suivante avant de pouvoir enfin faire son grand retour à Paris. Détesté au début de son règne, l’assassinat d’Henri IV est vécu comme un drame par ses sujets qui regretteront le « bon roi Henri ».
